Parc Barbieux, Roubaix |
Chaque matin, à me réveiller encore sous la voûte céleste, je sens que
c’est pour moi la nouvelle année.
C’est pourquoi je hais ces nouvel an à
échéance fixe qui font de la vie et de l’esprit humain une entreprise
commerciale avec ses entrées et sorties en bonne et due forme, son bilan
et son budget pour l’exercice à venir.
Ils font perdre le sens de la
continuité de la vie et de l’esprit.
On finit par croire sérieusement
que d’une année à l’autre existe une solution de continuité et que
commence une nouvelle histoire, on fait des résolutions et l’on regrette
ses erreurs etc. etc.
...
Ainsi la date
devient un obstacle, un parapet qui empêche de voir que l’histoire
continue de se dérouler avec la même ligne fondamentale et inchangée,
sans arrêts brusques, comme lorsque au cinéma la pellicule se déchire et
laisse place à un intervalle de lumière éblouissante.
Voilà pourquoi je
déteste le nouvel an.
Je veux que chaque matin soit pour moi une année
nouvelle. Chaque jour je veux faire les comptes avec moi-même, et me
renouveler chaque jour.
Aucun jour prévu pour le repos.
Les pauses je
les choisis moi-même, quand je me sens ivre de vie intense et que je
veux faire un plongeon dans l’animalité pour en retirer une vigueur
nouvelle.
Pas de ronds-de-cuir spirituels. Chaque heure de ma vie je la
voudrais neuve, fût-ce en la rattachant à celles déjà parcourues.
Antonio Gramsci
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