vendredi 28 février 2014


HoMe by M.


s'accrocher au rouge pour s'accrocher à la vie, je m'accroche au rouge aux rouges pour m'accrocher à la vie, je m'accroche, je ne veux pas me décrocher, je m'accroche au rouge, le rouge des poires, le rouge d'un bouquet de tulipes, le rouge de julius, le rouge de rothko, le rouge d'un paquet de cigarettes, d'un carnet, il y a du rouge, il y a des taches rouges, je m'accroche aux lumières rouges, on peut s'accrocher dans la vie à la couleur rouge, on peut trouver dans la vies'accrocher pour ne pas se laisser décrocher, je trouve des taches rouges, je m'accroche aux poires, aux tulipes, aux dessins de rothko, de julius, au paquet de cigarettes, à la couverture du carnet, je ne suis pas perdu, je peux m'y raccrocher, j'ai des morceaux rouges de ci de là dans la maison où je me trouve il y a suffisamment de taches rouges pour ne pas sombrer


Christophe Tarkos

mercredi 26 février 2014


Belgique


Quand je  
        ferme 

les yeux
 
Je vois 

un cerf-volant



Lou L.-D., 5 ans

mardi 25 février 2014

bord de mer, Belgique


Live in 
                                         the sunshine 

 swim in 
                           the sea

   drink the  
              wild air



         Ralph Waldo Emerson

samedi 22 février 2014


Lille, typo trébuchet



Faites quelque chose
Apprenez un pas
Une danse
Quelque chose qui vous justifie
Qui vous donne le droit
D’être habillés de votre peau de votre poil
Apprenez à marcher et à rire
Parce que ce serait trop bête
À la fin
Que tant soient morts
Et que vous viviez
Sans rien faire de votre vie.


Charlotte Delbo, Une connaissance inutile, 1970

mercredi 19 février 2014


My writing desK


Écrire, c'est accepter d'être un homme, 
de le faire, de se le faire savoir
aux frontières de l'absurde et du précaire 
de notre condition.

Ce n'est pas croire, c'est être certain 
d'une chose indicible, 
qui fait corps 
avec notre fragilité essentielle.



Georges Perros, Papiers collés 2

jeudi 6 février 2014




D.R.
 
 
Quelque chose de ton regard
 se tait
 Les étoiles que tu vois 
où sont-elles?
 
  
J'avance sauf
moi et mon œil à tâtons
ils ont dit sauf
mon œil et moi
 
 
Les étoiles au fond  sont-elles 
où tu les vois
 sauf à l’œil droit
 Tu n'es que là
 
 
Petit galet de plage
 je tourne et tourne seul
au creux du sauf comme si
seul au monde
 
 
Le monde sauf
 tout un monde là dans 
ce creux doux et rond 
comme un bébé 
 
 
Sauf un il faudrait nous 
donner un nom sauf
et sain ni de corps ni 
 l'esprit gris bleu rétif 
 
 
à faire avancer juste 
 
SAUF par erreur ou omission
 
 

Katrine Dupérou

mercredi 5 février 2014



 
le Typographe, Bruxelles


L'image littéraire est un explosif
Elle fait soudain éclater les phrases toutes faites, elle brise les proverbes 
qui roulent d'âge en âge, 
elle nous fait entendre les substantifs après leur explosion
quand ils ont quitté la géhenne de leur racine, 
quand ils ont franchi la porte des ténèbres, 
quand ils ont transmué la matière
Bref, l'image littéraire met les mots en mouvement
elle les rend à leur fonction d'imagination. »  


Gaston Bachelard, L'air et les songes, éd. José Corti



mardi 4 février 2014


Sur le pont transbordeur, Nantes 1954


Plus je regarde 

les photos 

plus elles s'effacent

avec la lumière


samedi 1 février 2014


Le Vestiaire, Roubaix




J’ai perdu ma mère au fond d’une tasse de thé. C’était un 28 décembre. Les enfants étaient couchés. Le plus petit dormait sans doute. A l’abri des scuds de sa grand-mère. Lové entre son doudou singe polychrome et les derniers échos de Duerme Negrito. Petite chanson pour éloigner la peur. Catch the dream lullaby pendant que les enfants dorment. Ils étaient là-haut dans leurs chambres. J’avais laissé la lumière allumée dans le couloir. 
La nuit était restée en bas. Entre ma mère et moi.  




J’ai noyé ma mère et ses chimères dans une tasse de tie kuan yin. Pas vue pas prise. Déprise de son emprise. Je l’ai laissée voguer le nez au-dessus de la fumée. Juste elle et moi. L’une en face de l’autre. Elle a attendu décembre pour venir me donner son dernier baiser. Un mot empoisonné. 
Juste un goût de fer dans la bouche.




J’ai retrouvé ma mère autour d’une tasse de thé. C’était au mois de janvier. Il paraît que déconstruire n’est pas détruire. Un à un je tire sur les fils qui relient mes poignets. Un goût de fer remonte de la gorge jusqu’aux marches du palais. Sur la langue le sang séché sur le fil tiré. Un bout de lin bordeaux lie-de-vin.  Comme celui avec lequel  mères et grands-mères indiennes tissent des toiles magiques pour les enfants. Cerceaux d’osier tendons de chevreaux lianes et cordages piquetés de fleurs séchées de perles ficelle coquillages rubis soie grenat étoiles d’argent tombées du ciel pour filtrer les mauvais rêves 
jusqu’au lever du jour.




De mes doigts plus blancs que neige filer fuseau jour nuit jusqu’à en oublier de dormir de manger de respirer. Compter juste un deux trois muñeca jusqu’aux dix doigts du ciel repeint rouge opéra. Fermer ouvrir fermer les yeux. Poupée de soi Katchina a perdu sa voix lactée dans une tasse de thé fumé.  Catch the dream lullaby. Les cauchemars ont été recrachés 
avec leur noyau.



Katrine Dupérou