jeudi 24 octobre 2013


On se dit que si nous pouvions à nouveau les faire, ces gestes si simples et si fabuleux, on les ferait, tout de suite, et plutôt deux fois qu'une. On n'arrêterait pas de s'offrir aux caresses, de voir et revoir La Nuit, La Voie lactée, Profession reporter, Catherine Deneuve dans Belle de jour, Humphrey Bogart dans Casablanca, de boire du champagne et des margaritas, de marcher dans Central Park, d'y faire du patin à glace, de s'acheter des jacinthes, des chaussures et des billets d'avion, d’essayer des chapeaux, de rêver sur des kimonos, d'emplir sa chambre de fleurs des champs, de la livrer au plus grand désordre, d'en faire l'antre des métamorphoses, de changer d'adresse comme de chemise, de se souvenir de ses rêves, de ne pas s'empêcher de pleurer, de parler avec des inconnus, de s'enfuir des conférences et des théâtres où l'on s'ennuie, de prendre au hasard n'importe quel autobus, de lire au lit, de se peindre les ongles, de contempler des photographies de Kertész, des tableaux de Tiepolo, Goya, Twombly, Balthus, Mondrian, Caspar David Friedrich, de descendre, en plein soleil, dans la poudreuse, des pentes qui n'en finissent pas, de manger des cerises, de nager dans toutes les mers et de goûters tous les vins, de commander d'immenses plateaux de fruits de mer et de les dévorer sous l’œil rond du Gobeur d'oursins de Picasso...


Chantal Thomas, Comment supporter sa liberté, Rivages

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